MØN
Møn
edit: désolé pour la mise en page qui ne facilite pas la lecture.
Pour cette première interview, j’ai rencontré David, guitaristes de Møn (prononcer Maune). Groupe que j’ai vu en concert à l’International en juin dernier. Un super concert qui m'a totalement déboulonné la tête, un pur trip d’enfer.
Møn est un groupe que l’on peut assimiler au post-rock, un mélange de rock et de classique : de longs morceaux instrumentaux où les ambiances évoluent au rythme de l’émotion, entraînant l’auditeur dans des crescendos vertigineux et hypnotiques. Toute la salle - en transe, est bercée, plonger au bord de la rupture n’attendant que la résolution. l’absolution cérébrale.
Møn, le silence, l'énergie: une symphonie éléctrique. Le temps semble s’arrêter... Les huit membres du groupe, entassés sur la minuscule scène de l’International, sont plongés dans une lumière bleu/orangé/ocre légèrement tamisée. Les pieds plantés dans le sol, concentrés. Ils assènent un son global et précis qui vous souffle l’esprit ! Dans un déluge de violons, un beat rigoureux, métronomique, martèle la scène. Tout en douceur. L’ensemble est chaleureux, violent : que du plaisir. Le public désormais ne fait qu’un avec le groupe... Un pur trip vous dis-je ! A voire en concert !!
www.myspace.com/montheband http://www.montheband.com/
Deux albums en écoute sur deezer : http://www.deezer.com/fr/#music/mon
Rencontre sans un café Parisien alors que le nouvel album est toujours attendu.
Fosse critique : Pour commencer, peux-tu nous présenter le groupe ?
David : c’est un groupe de 8 personnes qui joue une musique ni en français ni en anglais, avec pas beaucoup de paroles, pas de refrain, pas de couplet et des morceaux qui font plus de 5 minutes.
On vous met souvent dans la case « post-rock », est-ce que ce terme te convient ?
Non… C’est autant du post-rock, que du rock ou de la pop : ça en fait partie mais ce n’est pas que ça. Au début c’était beaucoup plus connoté « post-rock » car les morceaux étaient long et totalement instrumentaux. Le but a été de s’en affranchir et de revenir vers le rock au sens très large du terme. Je pense que l’étiquette post-rock ne veut plus dire grand-chose. Beaucoup de groupes ont gravité là-dedans depuis que Sigur Rós s’est mis à vendre des disques et je n'ai pas envie de rentrer dans une case.
Quelle est ta définition du post-rock ?
Pour moi il n’y a pas de définitions du post-rock. Soi-disant, un des groupes phares des débuts du post-rock est Tortoise mais ça n'a rien a voire avec tout ce qui s'appelle post-rock aujourd’hui. Sigur Rós a été soi-disant du post-rock, ainsi que Do Make Say Think et tout le label Constellation. Tous ces groupes n'ont pas énormément de choses en commun, à part qu'ils font des morceaux longs et qu’ils essayent de s’affranchir un peu du format pop standard. Sinon, Ravel c'est du post-rock pour moi ! (ou de l’anté-rock)
Quel est ton rôle dans le groupe ?
Si je veux faire plaisir à mes comparses, je vais dire que je suis le leader. C’est moi qui compose et c’est moi qui conduis le truc. bien que j’essaye de ne pas le faire… (Rire)
Les méthodes de composition du classique et du rock sont radicalement différentes (sur papier pour le classique, en bœuf pour le rock), comment les morceaux se mettent-ils en place ?
C’est l’orientation classique mais version home studio. Je n’ai pas la prétention d'écrire du classique, je fais ça à l’oreille. Je crée les morceaux chez moi sur mon ordinateur. Je donne en général au groupe une démo qui est déjà assez arrangée mais qui essaye d’être ouverte. Chacun bosse ses parties de son côté, ensuite on réunit le tout en répète et le morceau prend forme petit à petit. On voit les arrangements. Ça bouge, le morceau vit au fur et à mesure. En général il faut un peu près un an pour que le morceau tourne vraiment. Qu’il commence à avoir de la concistance, qu’on le maîtrise vraiment et qu’on puisse le jouer sans y réfléchir. C’est assez long…Ce sont des morceaux qui ne sont pas faciles à retenir, surtout en ce moment où j'essaye de faire des structures différentes, moins standards. Les cordes ont quand même des parties écrites, pour le reste, chacun repique ses parties.
Il y a également une grande part d’interprétation.
Il y a un gros travail sur les nuances. Faire vivre le morceau, la dynamique, les sons. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple mais c’est ce qu’on veut mettre en valeur. On nous a reproché au début et à juste titre d’être trop propres, trop carrés : ça sonnait très écrit, joué à la partition et les premiers enregistrements sont empreints de ça. Maintenant, ma volonté est d'aller vers un côté plus rock, plus libre, plus fou. Pour gagner de l’énergie. Mon rêve serait qu’on s'affranchisse de ce qu’on a appris en répète pour ne jamais jouer les morceaux de la même façon.
Y a-t-il des parties improvisées ?
Il y en a très peu mais plus dans les derniers morceaux.
Je trouve que les premiers enregistrements travaillaient plus sur l’ambiance et que les derniers sont plus axés sur les émotions, qu’en penses-tu ?
Je n’en sais rien… (Réfléchit) Quand je réécoute le premier album, je me dis que ça serait à refaire ! Les structures sont répétitives, certains passages sont chiants ... beaucoup de critiques que j’ai lues à ce propos sont justes. Le groupe beaucoup changé, la moitié des musiciens du premier disque ne sont plus là. Les envies évoluent, les humeurs aussi. Au final cela va plus ressembler à ce qu’il y sur les dernières démos. C’est pour ça que j’ai bien aimé le concert à l’International car sur scène, on était dans l’énergie. On était à fond ! Mais le côté ambiance j'y tiens quand même et j'espère qu’on ne va le mettre de coté.
Les guitares étaient également plus présentes dans les arrangements du premier album : comment est survenu ce changement ?
Normal, ce sont les deux guitaristes qui ont mixé ! (rire) c’est bizarre quand même car dans celui-là il y a un quatuor à corde! comme quoi… Peut-être que j’ai plus composé à la guitare au début, je ne m'étais jamais fait cette réflexion. Sur le premier album on cherchait un son assez analytique, précis dans le détail de chaque instrument. Maintenant on a une volonté d’avoir un son de groupe, un son d’ensemble.
Tout en ayant une approche personnelle, vous êtes très proches de vos influences (une chanson est très proches de Silver Mont Zion), cela te pose un problème ?
Sur le premier album il y a un morceau qui s'appel SMZ, c'était le nom de la démo et il est resté mais ça veut bien dire ce que ça veut dire. J’ai une grande admiration pour ce groupe… (Silence) Je trouve que c’est un groupe qui a une « touch ». En plus du fait qu’ils ont réussi à vivre d’une musique pas facile. Ils ont une éthique et surtout une énergie collective sur scène qui fait que tu ne sais jamais si c’est improvisé ou si c’est écrit. C’est un truc qui « me donne les poils ». Après, ce n’est pas l'unique groupe de ma vie.
Quelles sont vos autres influences ?
C’est assez compliqué de répondre à ça car il y a toutes les influences personnelles qui jouent et chacun a des parcours différents. J’écoute vraiment de tout, donc décrire des influences pour moi ce n’est pas facile. Bon quand même : Le rock c’est la vie ! Rock au sens large. Après je ne pense pas que les influences de chacun contribuent
de manière évidente au résultat global, mais plutôt indirectement, dans
chaque interprétation que l'on peut avoir de ses parties musicales.
Sur le Myspace, ne sont cités dans les influences que des groupes assimilés au post-rock…
Oh merde (rire), nan ce n’est pas vrai ! Attends, il y a Blonde Redhead et Tindersticks. Mais oui… c’est très commercial comme démarche (rire).
Comment est né Møn ?
Tout a commencé en 2003 avec Seb l’autre guitariste. Nous étions dans la même école et on a eu envie de faire de la musique ensemble. On est d’abord parti sur un projet un peu plus électro. On a fait des morceaux sur notre ordi puis un ami nous a conseillé de monter un groupe. Le premier musicien qu’on ais trouvé à été Adrien, le batteur, qui est toujours là aujourd’hui. Il a ce genre de jeu qui n’est pas post-rock, jazz ou rock mais un peu tout à la fois. Surtout c’est un batteur carré, qui n’en fout pas des caisses et ça, c’est rare ! De fil en aiguille la formation a évolué, des gens sont rentrés, des gens sont parties. La formation initiale était de 10. Maintenant ça s'est stabilisé à 8 et ça marche plutôt pas mal.
Vous êtes nombreux. Comment fonctionne le groupe ? Démocratie ou dictature ?
(Rire) voilà une question qui va faire plaisir à certaines personnes qui sont parties en me traitant de dictateur. Moi je fais tout pour que ce soit le moins dictatorial possible mais curieusement la demande de mes collègues va plutôt dans l’autre sens. Ça ne m'a jamais intéressé de monter un groupe pour être le leader ; je veux juste jouer de la musique avec des potes. Il se trouve que c’est moi qui écris les morceaux, c’est comme ça. Et effectivement je me suis occupé de quasiment tout pendant pas mal d’années. Ça me pèse un peu, ce n’est pas évident à gérer… Ma volonté est que ce soit démocratique. On a instauré un système de vote : si quelqu'un a une idée on en parle et on vote. Ce n’est pas aussi simple dans la vraie vie mais mon idéal tendrait vers ça. Je considère toujours qu’on pourrait chacun en faire moins si on se répartissait bien le travail. C’est mon utopie communiste (rire) et on ne s’en sort pas si mal! Je tiens quand même à dire à nos amis programmateurs que nous mettons trois fois moins de temps à nous installer qu’un groupe de quatre et que nous sommes trois fois moins chiants. Il n’y a que des ingénieurs du son dans le groupe ! On se présente « prêt à jouer » et on peut se serrer.
Il y a très peu de paroles dans les chansons mais il y a une langue qui se dégage, qu’est-ce que c’est ? un mélange d’anglais et d’allemand ?
(Rire) non, nous on appelle ça du « grüt ». Ce sont des onomatopées écrites c'est-à-dire qu’on chante tout le temps la même chose. On a appris les paroles - ce qui n'est pas évident. Mais ça ne veut rien dire. Je n’ai pas envie de faire de la chanson à textes! Je ne suis pas un revendicateur, en tout cas pas par les textes. je ne suis pas Benabar, je n’ai pas envie de « manger une pizza le dimanche soir » (rire) … On avait quand même envie d’utiliser la voix comme un instrument et on s’est rendu compte que faire du yaourt était ingérable et on s’est forcé à écrire des choses pour que tout le monde aille dans le même sens. C’est plus un son global. Mais des fois ça nous rapproche du format chanson donc c’est assez drôle car les gens croient que ça en est… et ça plaît beaucoup aux mamies ! (rire)
Et le nom des chansons, ça a une signification ?
Oui, les premières sont dans la langue des îles Féroé, juste parce que ça sonnait bien. Mais en général c’est le nom des démos, des fois on a cherché des idées… et on a trouvé des trucs débiles : il y en a une, c’est un hommage au chaussettes noires et leur chanson Dactylo Rock. Ça a donné « daak tyle rhak » en langage grut.
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Pareil pour le nom du groupe ?
On voulait quelque chose qui soit universel, prononçable dans toutes les langues, qui ne veuille rien dire. Toujours dans ce souci de ne pas faire passer des choses textuelles. C'est court et puis on ça sonne bien.
Quels sont vos métiers ?
Il y a de tout : des intermittents, des personnes qui gravitent autour du son, un assistant caméra. Il y en a qui bossent dans le commerce, des qui bossent plus ou moins et il y a des musiciens… On arrive quand même à avoir un créneau fixe de répète, moi ça me paraît normal mais en fait je m'aperçois que c’est assez énorme. Il n’y a pas beaucoup de groupes qui arrivent à tenir ça.
Pour Didier Wampas, c’est important, en France, d’avoir un travail à côté pour ne pas faire de compromis, qu’en penses-tu ?
Pas simple comme question… Je pense que l’idéal serait de ne pas avoir à faire de compromis. Même sans un boulot à côté. Mais matériellement, je comprends ce qu’il veut dire. (Rire) Le compromis c’est une chose qui me parle ! C’est un problème assez complexe d'où ma grande admiration pour Bob Dylan. J’admire son absence de compromis, son je-m’en-foutisme du "qu'en dira-t-on". On a pas mal de débats dans Møn à cause de ça. Je ne pense pas qu’il faille réfléchir à ce que nous disent les gens, sans mépriser qui que ce soit - au contraire c’est presque même du respect pour le public. Mais faire des compromis en se disant «on va adapter ça, parce que ça ne va pas plaire aux gens » c’est perdre son identité !!
Vous avez gagné un tremplin Zebrock, qu'est-ce que ça vous a apporté ?
Je vais être honnête on n’a pas gagné, on était finalistes… mais cela étant, ça nous a apporté énormément. J’en profite pour soutenir la cause de Zebrock car ils ont subit des suppressions de subvention du conseil général et en octobre si rien ne se passe ils vont mettre la clé sous la porte. Cette association a fait beaucoup pour la musique en Seine-Saint-Denis depuis un bout de temps. Elle est menée par Edgar Garcia qui est un gars humainement assez incroyable. Il nous a donné pas mal de coups de main formels et informels, et il nous soutient énormément. Il a toujours cru à ce qu’on faisait et c’est la principale chose qu’on a gagné là-dedans.
Et vous avez aussi obtenu une formation avec l’organisme « le coach ».
Oui, on s’est penché sur des choses sur lesquelles on ne s’était jamais penché : des problématiques scéniques, de sens, de qu'est-ce qu'on voulait dire à travers la musique, est-ce qu’on avait une direction commune ; on a eu des cours de chant, etc. certaines choses n'étaient pas agréables sur le coup mais ça nous a fait du bien, c’était assez formateur !
Avez-vous des gens qui travaillent pour vous (management, tourneur,…) ?
Ah voilà une bonne question, j’en profite pour lancer un appel, nous n’avons toujours personne ! Nous cherchons, mais de nos jours, trouver un tourneur pour un groupe de 8 qui fait de la musique en grut de plus de 10 minutes ce n’est pas évident ! Un manageur peut-être mais on n'a jamais trouvé la personne qui allait. C’est assez délicat, on n’a pas forcément les moyens financiers, et il faut trouver quelqu’un qui puisse être efficace. Mon rêve est que je n'ai plus à m’occuper que de la musique. C’est ce que je cherche depuis le début.
Quel est ton avis sur l’industrie de la musique ?
(Réfléchit) que dire… c’est d’une logique implacable, on récolte les fruits de ce que l’on a semé. On a mis dans les maisons de disques des gens qui sortaient d’école de commerce. Mais parallèlement à ça, il y a de plus en plus de concerts! Ce qui me déprime c’est l'histoire de la perte du support. Je ne suis pas un nostalgique du vinyle mais télécharger des fichiers, et les écouter sur mon Ipod ou sur mes enceintes d’ordinateur ça me gave. J'ai besoin d’avoir un son qui ressemble à quelque chose ! Pour moi ca participe à 50 % du ressenti de l'album. J’attache beaucoup d’importance affective et artistique à « l’album », c'est-à-dire un enchaînement de chansons qui sont faites pour aller ensemble dans un certain ordre avec une logique. Le problème c’est qu’on a tendance à niveler vers le bas et ainsi, forcément, on ne justifie pas l'existence de ceux qui font de la qualité vers le haut ! Que ce soit légal ou pas, ça c’est un autre débat et je n’ai pas forcément d’avis sur la question.
Quelle est la suite du programme de Møn ?
Pour être prétentieux je vais dire que tous les grands disques de l’histoire du rock sont nés dans la douleur. On avait prévu de sortir l’album pour le printemps 2009 mais nous avons été trop ambitieux sur le temps, la méthode,… on a préféré prendre le temps de faire les choses comme on voulait quitte à repousser la sortie. On vient de finir d’enregistrer les overdubs, donc actuellement c’est en cours de montage final. J’aimerais bien que ça sorte pour la fin de l’année. Mais comme on va faire le mixage nous-mêmes ça dépendra du temps qu’on a. D'ailleurs, si un label veut sortir notre disque en France ou partout ailleurs, c’est avec plaisir.
Pour le moment, quel est le moment de gloire de Møn ?
Un des moments qui a été trippant c’était avec le prix Jeune Talent : déjà une certaine fierté, un soulagement d’être un peu reconnus et après, se retrouver sur la scène du Trocadéro, face à la tour Eiffel avec le parterre rempli, ça nous a fait un truc. Il n’y a eu que 3 morceaux, mais personnellement j’ai trippé.
Une anecdote pour finir?
Au mois d’août, au concert dans les Landes, un mec qu’on ne connaissait pas c'était fait un t-shirt « Møn Tour 2009 » et c’était marqué « Møn » sur le visage, c'était assez énorme.
Møn est en concert : Le 22 octobre, la java à paris, le 3 novembre au réservoir et le 7 novembre à argentan.
Interview réalisé par Bobby Joe le mardi 15 septembre dans un café à paris.